devant / derrière la caméra

20 août 2025

Réalité du terrain ou fantaisie virtuelle?


 Comme photographie nous sommes confronté entre le désir d'authenticité et l'embellissement du rendu sous prétexte de s'approcher plus encore du "vécu visuel". Bien sûr tout est question d'interprétation dans les choix d'angle de prise de vue ou encore de composition de l'image. Mais encore qu'il s'agisse de sélectionner volontairement ou non un segment en temps et en espace de la réalité de notre environnement et du sujet qui nous intéresse ou encore plus quand on "redessine" virtuellement l'image initialement enregistrée, que reste-t-il de l'essence même du choix documentaire que nous avons fait car tout cela est somme toute très réducteur par rapport à une perception plus large et plus incluse de notre univers physique et émotionnel.

Nos  outils technologiques sont maintenant et peut-être à jamais des extensions créatives de nos impulsions biologiques. Cette cybernétique est d'ores et déjà "intelligente" et surpassera tôt ou  tard nos propres capacités de raisonnement substituant ainsi notre support biologique par de nouveaux supports matériels qui échapperont à un "contrôle" conscient ou non de ses utilisateurs initiaux. En un mot, nous seront les Victor Frankenstein modernes créateurs de la bête devenu autonome et indépendante de ces décisions et de ses actions. Comme photographe, nous sommes déjà des associés de cette cybernétique qu'on assimile à des modes dits automatiques mais dont la capacités d'analyse nous dépassent largement.

Reste l'inspiration et le pourquoi d'une démarche artistique ou documentaire qui demeurent jusqu'à nouvel ordre l'apanage de l'humain que nous sommes encore. Car il y a aussi une démarche philosophique de la vie assumée ou non qui sous-tend et motive le message visuel de notre cheminement photographique. S »il y a un danger dans notre société actuelle, c’est dans l’autocensure grandissante qui naît de l’intimidation du nouvel autoritarisme qui pollue notre univers sociopolitique. Pour le photographe d’aujourd’hui la crainte de la controverse du sujet et son contexte l’emporte souvent sur la pertinence d’en traiter, Bref la réalité du terrain est plus menacée par les tenants du pouvoir technique usurpe que par la technologie elle-même.

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Le devoir d’humanité c’est aussi celui du photographe qui est le témoin de notre évolution. L’intelligence artificielle ou cybernétique d’abord comme outil mais aussi comme partenaire éventuel à part  entière, doit s’intégrer dans nos modes d’action et de réflexion comme artiste-photographe. Pouvoir affiner les moyens de perception de l’IA permettra à cette dernière de s’articuler une meilleure réflexion de l’univers qui l’entoure et motive son existence. Au fond et comme toujours, c’est le point de vue philosophique qui saura prédominer au delà d’un matérialisme à jamais éphémère.

Photo Daniel M

11 août 2025

Éclipse


 Tout le petit monde la photographie reconnait l'importance de la lumière qui est, au fond, à la fois le pinceau et les pigments de l'image. Mais nous percevons souvent la lumière comme permanente sinon éternelle malgré sa nature changeante et fugace comme l'illustre si bien le phénomène de l'éclipse. Ce dernier bien que largement documenté et expliqué ad nauseam par les spécialistes de tout acabit, continue toujours de nous fasciner, nous simples terriens à la vie éphémère. 

Au-delà de la simple atténuation ou même la disparition de toute luminosité, c'est la nature même de la lumière et ses qualités changeante qui rend le phénomène de l'éclipse si particulier. La lumière est source de vie, de changement, d'évolution et d'illumination. La photographie se définit essentiellement de cette lumière pour laquelle elle est entièrement redevable de son impact et de son émotion profonde. 

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Que serions-nous sans cette magnifique sensation qu'est la perception visuelle qui attire notre attention sinon plus explicitement notre regard tant réel que virtuel.Telle est la lumière!

Photo Daniel M

07 août 2025

Une vision économique de la photographie



 Michel Gravel, 1936-2021, fut un des plus prolifiques photographes de presse québécois ayant travaillé entre autres au journal La Presse de Montréal pendant plus de quarante ans. Ses principales qualité au delà de son grand talent artistique pour la composition de l'image enregistrée, était son calme et l'usage judicieux d'une grande économie des moyens matériels utilisés pour réaliser ses reportages photographiques.

Comme photographe institutionnel pour les fédérations sportives et de loisir, j'eus la chance de le côtoyer pendant quelques années, 1988-1994, au gré  de nos assignations similaires d'évènements dans la grande région montréalaise. Michel Gravel en imposait à nous qui étions plutôt des photographes aux déclics frénétiques, car il privilégiait l'approche tranquille et studieuse du sujet et surtout l'utilisation judicieuse sinon parcimonieuse de l'appareil photographique et de sa pellicule. Il a fait parti de cette grande tradition de photographes humanistes qu'a engendré le Québec des années 1960, 1970 et 1980 et qui se poursuit toujours aujourd'hui à une échelle plus numérique.


Alors que plusieurs fanatiques du déclenchement sans retenu mitraillent sans arrêt leurs sujets, d'autres s'efforcent d'abord d'en observer l'esthétique dans leur contexte particulier. Se faisant ils étoffent leurs compositions en leur enjoignant un contenu narratif plus profond dans l'image qui sera présentée à l'observateur. Car le photographe a implicitement en lui une sorte de responsabilité visuelle dans le rendu de  son sujet et du propos qui en découle. 

Quand on évoque la notion d'économie dans ce monde de consumérisme, on l'associe souvent négativement à une perception de réduction, d'empêchement ou de sacrifice au détriment du plein accès à l'usage sans restriction des choses et même des personnes qui nous entourent. Même l'idée du gaspillage a été graduellement évacuée du discours socio-politique de maintenant. Et pourtant l'approche économique Fabien au delà de ces privations proclamées car elle suggère plutôt l'utilisation intelligente de nos ressources qui mise souvent sur une plus grande créativité intellectuelle et, par extension, un usage plus réfléchi de celles-ci. 

En photographie, chaque image enregistrée est en soi un témoignage d'un passé récent ou non pour lequel notre société humaine peut se référer car elle participe à une sorte d'éducation visuelle de notre civilisation et de son contexte. En optant pour un choix restreint mais plus songé de ces images, on propose une sélection qualitative plutôt que quantitative de ces témoignages visuels. Pour le photographe, il s'agit d'une démarche qui exige une étude préliminaire du sujet et de son contexte dont l'enseignement enrichit beaucoup le contenu de l'image enregistrée.

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Il y a beaucoup à apprendre de l'observation des choses et des personnes et l'exercice de la photographie offre ce prétexte à s'éduquer sur le monde qui nous entoure, un univers dont chaque facette différente mérite notre attention. C'est donc au photographe d'en témoigner visuellement avec respect et économie. 

Portrait de Michel Gravel par Xagravel 

Photo 2 par Daniel M