Michel Gravel, 1936-2021, fut un des plus prolifiques photographes de presse québécois ayant travaillé entre autres au journal La Presse de Montréal pendant plus de quarante ans. Ses principales qualité au delà de son grand talent artistique pour la composition de l'image enregistrée, était son calme et l'usage judicieux d'une grande économie des moyens matériels utilisés pour réaliser ses reportages photographiques.
Comme photographe institutionnel pour les fédérations sportives et de loisir, j'eus la chance de le côtoyer pendant quelques années, 1988-1994, au gré de nos assignations similaires d'évènements dans la grande région montréalaise. Michel Gravel en imposait à nous qui étions plutôt des photographes aux déclics frénétiques, car il privilégiait l'approche tranquille et studieuse du sujet et surtout l'utilisation judicieuse sinon parcimonieuse de l'appareil photographique et de sa pellicule. Il a fait parti de cette grande tradition de photographes humanistes qu'a engendré le Québec des années 1960, 1970 et 1980 et qui se poursuit toujours aujourd'hui à une échelle plus numérique.

Alors que plusieurs fanatiques du déclenchement sans retenu mitraillent sans arrêt leurs sujets, d'autres s'efforcent d'abord d'en observer l'esthétique dans leur contexte particulier. Se faisant ils étoffent leurs compositions en leur enjoignant un contenu narratif plus profond dans l'image qui sera présentée à l'observateur. Car le photographe a implicitement en lui une sorte de responsabilité visuelle dans le rendu de son sujet et du propos qui en découle.
Quand on évoque la notion d'économie dans ce monde de consumérisme, on l'associe souvent négativement à une perception de réduction, d'empêchement ou de sacrifice au détriment du plein accès à l'usage sans restriction des choses et même des personnes qui nous entourent. Même l'idée du gaspillage a été graduellement évacuée du discours socio-politique de maintenant. Et pourtant l'approche économique Fabien au delà de ces privations proclamées car elle suggère plutôt l'utilisation intelligente de nos ressources qui mise souvent sur une plus grande créativité intellectuelle et, par extension, un usage plus réfléchi de celles-ci.
En photographie, chaque image enregistrée est en soi un témoignage d'un passé récent ou non pour lequel notre société humaine peut se référer car elle participe à une sorte d'éducation visuelle de notre civilisation et de son contexte. En optant pour un choix restreint mais plus songé de ces images, on propose une sélection qualitative plutôt que quantitative de ces témoignages visuels. Pour le photographe, il s'agit d'une démarche qui exige une étude préliminaire du sujet et de son contexte dont l'enseignement enrichit beaucoup le contenu de l'image enregistrée.
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Il y a beaucoup à apprendre de l'observation des choses et des personnes et l'exercice de la photographie offre ce prétexte à s'éduquer sur le monde qui nous entoure, un univers dont chaque facette différente mérite notre attention. C'est donc au photographe d'en témoigner visuellement avec respect et économie.
Portrait de Michel Gravel par Xagravel
Photo 2 par Daniel M